Edouard Philippe, la Normandie à cœur, avec Le Havre !
21/04/2015
Tribune in Paris-Normandie, Réunification de la Normandie
"Qu’on ne s’attende donc pas à ce que Le Havre accepte gentiment de disparaître de la carte." Edouard Philippe, député-maire du Havre, signe une tribune pour une Normandie unie, avec une ville importante oubliée semble-t-il par les instances gouvernementales : Le Havre.
«‘La Normandie, rien que la Normandie, toute la Normandie’. Il y a un an, ici même, je plaidais pour la réunification normande quand d’autres la craignaient encore ou que certains militaient, curieusement, pour une union avec la Picardie. Profondément convaincu de la nécessité de créer LA Normandie, j’ai voté la loi qui allait, s’agissant de notre région, dans le bon sens.
Il y aura donc, le 1er janvier prochain, une Normandie. La question de la « capitale » régionale dont je ne voulais pas faire un préalable peut dorénavant, et légitimement, être posée.
Elle l’est depuis quelques jours, mais dans les pires conditions. Avec une fausse annonce, ou une vraie fuite mollement démentie, selon laquelle il serait proposé à la Normandie – et à elle seule – un dédoublement entre le chef-lieu, à Caen, et le Conseil régional, à Rouen. Rien ne justifie un tel choix. Et rien n’autorise d’ailleurs le gouvernement à faire un tel choix.
Car disons-le tout de suite pour ne pas y revenir : si l’État est dans son rôle en fixant le lieu de la Préfecture de région, il n’a pas à choisir le siège du Conseil régional qui, lui, est du ressort de l’assemblée qui sera élue en décembre prochain. C’est au futur Conseil régional et à lui seul qu’il reviendra de dire où il siégera. Le gouvernement ne peut pas faire semblant d’avoir déjà choisi et la Normandie mérite autre chose que ces petits arrangements.
S’agissant du choix de la capitale, je crois à la vérité qu’aucune ville, ni Rouen, ni Caen, ni Le Havre, ne s’impose naturellement. Aucune ne concentre seule la puissance et le rayonnement nécessaires pour être crédible comme capitale régionale à l’échelle européenne. Aucune n’est dans la même catégorie que Marseille, Lyon, Lille, Bordeaux ou Strasbourg.
Rouen et Caen ont certes une légitimité historique et personne ne la conteste. Est-elle suffisante ? Les souvenirs glorieux de Rollon et de Guillaume le Conquérant ne suffiront pas à attirer les entreprises, à créer des emplois et à garantir le dynamisme de l’économie normande.
La vérité est que Rouen et Caen sont deux villes de 110 000 habitants et que Le Havre en compte 175 000.
La vérité est que la métropole Rouennaise compte près de 500 000 habitants, l’aire urbaine de Caen près de 400 000, et le pôle métropolitain de l’Estuaire dans lequel s’inscrit Le Havre au moins autant. Qu’on ne s’attende donc pas, si on persiste à vouloir imposer de Paris une répartition des rôles entre Rouen et Caen, à ce que Le Havre accepte gentiment de disparaître de la carte.
Face à ce constat, que partagent tous ceux qui réfléchissent depuis longtemps à l’identité et à l’avenir de la Normandie, deux logiques s’affrontent : la concentration, qui fixe en un même lieu toutes les fonctions d’une capitale et qui finit, avec le temps, par dépouiller les autres ; la complémentarité, qui préfère renforcer les points forts de chacun et s’inscrire dans une action collective.
Je milite évidemment, on l’aura compris, pour la seconde.
Car ce qui m’apparaît avec la force de l’évidence, c’est la diversité de nos territoires. Diversité des paysages, des économies, des compétences, des stratégies. Diversité foisonnante de cette Normandie à la fois industrielle, agricole, portuaire, universitaire, touristique, pauvre et riche, lorgnant vers l’île de France ou au contraire tendue vers le grand large. Cette diversité impose qu’aucune de ses composantes ne soit mise à l’écart. Nous aurons besoin de tout le monde pour réussir : de Rouen, de Caen et du Havre, mais aussi de Dieppe, d’Évreux, d’Alençon, de Saint-Lô et de Cherbourg ! Cette diversité exige la complémentarité et pas la concentration.
Les dossiers qui attendent l’institution régionale sont épineux. Outre qu’il n’est jamais simple de constituer un nouveau territoire, le futur Conseil régional de Normandie devra trouver la bonne vitesse de croisière et la bonne articulation des actions entre région, départements et intercommunalités ; arrêter une stratégie de développement économique ; défendre l’emploi ; mettre en valeur l’excellence normande en matière agricole ; penser innovation et compétitivité aux niveaux national et européen ; gérer les transports interurbains ; promouvoir la « marque » touristique formidable qu’est la Normandie dans le monde... Et aussi défendre nos ports, développer l’Axe Seine, et préciser notre identité et notre rôle aux portes du Bassin parisien et en lisière du Grand Paris !
Les défis sont énormes.
Mais la Normandie a une chance : celle de disposer, au cœur de son territoire, d’un triangle fort et de dimension européenne dont les pointes sont Rouen, Caen et Le Havre et incluant l’estuaire de la Seine.
L’Estuaire, Caen-la-mer et la métropole rouennaise, ce sont 1,5 million d’habitants, soit la moitié de la population normande. C’est un pôle économique majeur situé à l’intersection de la façade maritime et de l’Axe Seine. C’est l’interface entre le Grand Paris et le monde.
Ce triangle normand, il existe déjà dans les faits. C’est ensemble que Rouen, Caen et Le Havre ont conçu et porté une candidature unique au label French Tech. Des coopérations fortes existent déjà entre nos aires urbaines en matière hospitalière et d’enseignement supérieur et elles ont vocation à se développer. Chacune a sa spécificité, chacune est complémentaire des deux autres. Le chef-lieu est une chose, le siège de l’assemblée régionale peut en être une autre. La vocation du Havre, conforme à son histoire et à sa position de pôle industriel et économique de la Normandie, est quant à elle d’accueillir les fonctions relevant du développement économique, des ports et des affaires douanières, et de tout ce qui fait la spécificité du premier port français de la façade Manche-Atlantique.
La campagne des élections régionales sera l’occasion d’un large débat démocratique sur l’avenir de la Normandie.
Il ne doit pas nous être imposé de l’extérieur. Il doit être sérieux. Je le dis d’autant plus librement que je ne serai pas candidat. Mais j’espère que ceux qui le seront répondront à ces questions, présenteront des orientations claires pour la Normandie, son organisation et son développement.
Je sais que la Normandie est une chance pour Le Havre.
Je suis convaincu que, pour réussir, la Normandie aura besoin de tous ses atouts : Le Havre en est un, et un puissant !
Puisse la logique de complémentarité prévaloir, afin que la Normandie, déjà belle, puisse être enfin véritablement grande ! »
Photo : JeVisAuHavre.fr.
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