Il y a 70 ans, disparaissait le paquebot NORMANDIE
06/02/2012
Devenu une légende son histoire se conjugue encore au présent. Par Philippe Pierre Brébant, Président de l'APMM - Association des Amis des Paquebots et de la Marine Marchande, photos issues des archives de l'APMM
Sa construction était déjà l’époque un pari impossible, les chantiers de Saint Nazaire ont dû se moderniser pour sa réalisation. La crise économique faisant rage a contraint la compagnie Générale Transatlantique à s’associer à l’état de manière définitive. Baptisé par Madame Albert Lebrun, sa mise en service a été retransmise par TSF sur toutes les ondes de France en 1935. Le pays tout entier battait au rythme du Havre, de son port et de son nouveau fleuron ambassadeur du bon goût, du luxe et de l’apogée de l’art déco.
Même son nom avait été tenu secret, et si le nom de Maurice Chevalier déjà populaire à cette époque avait été évoqué pour orner son étrave profilée, finalement le nouveau flagship de la Transat sera baptisé NORMANDIE. Le nom d’un rêve à jamais brisé par la seconde guerre mondiale alors que curieusement c’est par la Normandie que la guerre trouva sa fin en France et en Europe.
Premier paquebot géant, dont la forme de la coque était elle-même révolutionnaire, effilée à la ligne de flottaison et s’ouvrant en corolle pour soutenir harmonieusement des superstructures proportionnées et trois cheminées. Le tout pour concurrencer les autres compagnies en lisse sur l’Atlantique Nord, il est prévu pour la première fois pour remporter le ruban bleu de la traversée la plus rapide en moins de 5 jours. NORMANDIE est admirable, sa machine et ses 160.000 CV lui permettent dès sa mise en service le 29 mai 1935 de ravir le titre à l’Italien REX avec 30,31 nœuds de moyenne. C’est la première fois qu’un paquebot français se hisse en haut du podium pour rafler le trophée Hales sur lequel figure NORMANDIE et qui est aujourd’hui en Australie dans la province de Tasmanie à Hobart.
Modèle d’élégance, NORMANDIE propose des décors fastueux, du déraisonnable au plus audacieux. Avec des tapisseries d’Aubusson et des panneaux laqués pratiquement dans tous ses salons, ses hauteurs de plafonds donnent à l’ensemble le vertige de la démesure souhaitée par la compagnie. Sa salle à manger reste à jamais inégalée avec sa descente monumentale dont le volume est directement dupliquée de la galerie des glaces du château de Versailles, avec la statue de la Normandie qui en orne les hauteurs. Son fumoir avec ses portes magistrales est doté de petits fauteuils individuellement tapissés. Il y a du bronze ou de l’onyx sur les colonnes et plafonds et le paquebot qui est constamment éclairé procurant une ambiance de paix et de douceur que les habitués de la ligne qui le compareront à son rival QUEEN MARY de la sorte : Deux jeunes femmes, une anglaise décontractée prête pour une activité sportive habillée en sportwear, tandis que la française est en robe de soirée, avec un léger cadre musical à peine perceptible où se mêle des vapeurs de parfums d’un grand couturier à des odeurs d’épices.
Oui, le NORMANDIE était un superlatif à lui tout seul, devenu légende dont l’histoire devait se terminer en drame à l’instar de celles de nos princesses contemporaines. Il est désarmé à New York le 28 août 1939 au pier 88 au moment où les nouvelles précipitent la France dans la guerre. Il affiche un bilan très satisfaisant après avoir effectué 139 traversées transatlantiques et transporté quelques 135.000 passagers. En une année NORMANDIE avait accueillit autant de passagers que ceux de l’ILE DE FRANCE, du CHAMPLAIN et du PARIS réunis. Il effectua 2 croisières aux Antilles et vers Rio de Janeiro où il est resté 10 jours en escale, jamais un tel luxe se retrouvera alors que pour un navire ordinaire, il ne reste à quai qu’entre 24 et 48h !
Ce n’est qu’après l’attaque de Pearl Harbour le 12 décembre 1941 que les Américains prendront possession du NORMANDIE. Rebaptisé le USS LAFAYETTE, il est transformé en trooper et intégralement vidé de toutes ses œuvres d’art, puis le destin va foudroyer à jamais ce rêve de grandeur. Alors que les travaux se terminent, un incendie se déclare à bord le 9 février 1942 qui se propage à une vitesse folle alors que tous les matériaux de construction sont laissés au sol par les ouvriers qui abandonnent le paquebot presqu’aussitôt. Le navire prendra rapidement une gîte importante par l’apport de l’eau déversée à bord par les marins pompiers du port. Au matin du 10 février, le plus grand lévrier de l’Atlantique va rendre son dernier souffle et se coucher sur le flanc. Démoli sur place jusqu’au pont principal, puis renfloué en août 1943, sa carcasse noircie sera finalement vendue à un ferrailleur de Brooklyn en octobre 1946.
Si certaines éléments de son décor seront redonnés à la France et serviront à orner le LIBERTE en 1947, beaucoup d’autres sont éparpillés aux quatre vents. Mais non loin de là à Brooklyn les portes monumentales de l’ancien fumoir ornent désormais l’entrée de la Chapelle Notre Dame du Liban. La statue « la Normandie » a quand à elle repris la mer, après avoir été exposée à l’Hilton Fontainebleau de Miami durant plus de 30 ans, elle orne le restaurant Normandie à bord du SUMMIT des Celebrity Cruises, lui aussi sorti des chantiers de Saint Nazaire en 2001 venu au Havre en 2008. Etrange destin d’un paquebot rebaptisé du nom d’un autre paquebot de la transat détruit par un incendie en mai 1938 au Havre, détruit à New York juste 20 ans jour pour jour avant l’escale inaugurale du FRANCE le 8 février 1962.
NORMANDIE
Construit aux chantiers Penhöet à Saint Nazaire
Longueur 313,80 m / largeur 35,90 m / 79.280 tonnes
Vitesse maximum : 32.2 nœuds
1972 passagers (848 1e classe – 670 classe touriste – 454 3e Classe)
1345 membres d’équipage
Dernier cliché : NORMANDIE, aux côtés du QUEEN MARY et du QUEEN ELIZABETH, à New York
Les commentaires sont fermés.